Un océan dans un bocal
Cet été encore, des milliers de touristes se rendent dans les parcs marins, les delphinariums ou les aquariums, pour admirer les orques gigantesques et les minuscules crevettes, s’émerveiller devant l’agilité des dauphins et des otaries, ou contempler la nage majestueuse des raies, des méduses ou des sardines.
Mais saviez-vous que de plus en plus de personnes se mobilisent contre la captivité de certains animaux dans les aquariums ?
Des mobilisations contre la captivité des animaux marins
Des cétacés dans des aquariums ? « C’est assez ! » Dans le monde entier, des manifestations sont organisées, des pétitions et des articles sont publiés pour remettre en cause la captivité des orques, des dauphins ou des bélougas. Début 2019, des photos de plusieurs orques et bélougas capturés près de la Russie pour être revendus à des parcs marins avaient fait scandale, à tel point qu’une pétition pour demander leur libération a été signée par 1,5 million de personnes – dont l’acteur Leonardo DiCaprio.
À plus petite échelle, ça bouge aussi en France : cet été encore, des défenseurs des animaux protestent contre la captivité des cétacés dans les 4 parcs français qui en détiennent encore (Marineland, le Parc Astérix, Planète sauvage et le Mooréa Dolphin Center). Plusieurs associations ont demandé la libération d’Inouk, une orque du Marineland d’Antibes, dont l’état de santé est préoccupant : Inouk souffre en effet des dents, car elle ronge les parois de son bassin (c’est un comportement qu’on observe régulièrement chez les orques retenues en captivité).
Mais ce n’est pas tout : de nombreux amis des animaux se mobilisent aussi pour les poissons ! En avril 2019, la mort du dernier requin marteau détenu à Nausicaá, le plus grand aquarium d’Europe, à Boulogne-sur-Mer, a fait les gros titres des journaux, et de nombreuses personnes se sont émues du sort réservé à ces grands poissons : en effet, les 30 requins-marteaux qui avaient été capturés au large de l’Australie puis acheminés jusqu’en France sont tous morts pendant le transport ou durant leur vie dans l’aquarium. Quelques jours après la mort du dernier requin-marteau, plusieurs centaines de sardines sont mortes après que la vitre d’un aquarium se soit brisée, ravivant la polémique sur la captivité des animaux aquatiques.
Derrière les parois de verre…
Pourquoi un tel éveil des consciences aujourd’hui ? D’abord, parce que les progrès de la science, particulièrement en éthologie, permettent de mieux comprendre les besoins des animaux. Mais aussi car les conditions de vie des animaux marins dans les parcs aquatiques et les delphinariums sont de plus en plus connues : le documentaire Blackfish, par exemple, qui a connu un grand succès, remettait en question la captivité des orques dans ces parcs, car elles vont à l’encontre des besoins élémentaires de ces animaux. En effet, dans leur milieu naturel, les orques nagent 150 à 200 kilomètres par jour et sondent l’océan jusqu’à 200 mètres de profondeur. Une orque en captivité devrait, elle, faire 1 400 tours de bassin pour parcourir la même distance et ne pourrait descendre qu’à une dizaine de mètres de profondeur. De même, les orques, comme les dauphins, sont habituées à vivre en groupes familiaux, et la séparation d’avec leurs proches (lorsqu’elles sont capturées ou lorsque les animaux sont vendus à d’autres parcs), est une épreuve très douloureuse.
Le dressage est un autre problème lié à la captivité : on apprend aux mammifères marins à accomplir des tours pour impressionner le public, par exemple en nageant avec leurs dresseurs, en sautant dans des cerceaux, en « jouant » avec des ballons… Les visiteurs ont souvent l’impression que les animaux s’amusent en réalisant ces tours, sans s’apercevoir qu’ils ne le font que parce qu’ils y ont été conditionnés, et car ils reçoivent de la nourriture en récompense.
Même s’il y a moins de recherches à leur sujet, les poissons aussi sont affectés par leurs conditions de captivité dans les aquariums : le parc Nausicaá, par exemple, propose aux visiteurs de toucher des raies bouclées dans un bassin. Or, comme le rappelle le site internet du parc, lorsqu’ils sont en liberté, ces poissons passent le plus clair de leur temps enfouis dans le sable. Les raies bouclées peuvent même vivre jusqu’à 60 mètres de profondeur ! Peut-être que vivre dans un bassin peu profond, sans pouvoir échapper aux mains des humains, n’est pas ce qui leur convient le mieux ?
Aider les animaux marins !
La plupart des parcs aquatiques, en France et dans le monde, disent vouloir protéger les animaux : Nausicaá a par exemple financé une campagne de protection des requins-marteaux. Quant au Marineland d’Antibes, il vient parfois au secours de tortues ou d’autres animaux sauvages en difficulté, avant de les relâcher dans la nature. N’est-ce pas contradictoire de vouloir aider les animaux, tout en en retenant de nombreux autres en captivité ?
Aujourd’hui, la captivité des cétacés est de plus en plus remise en cause : 7 Français sur 10 y seraient opposés. Des associations proposent d’adopter de nouvelles lois sur la captivité des cétacés dans les parcs marins, par exemple en interdisant la reproduction des animaux qui y sont détenus actuellement, ou en relâchant ces animaux dans des réserves adaptées.
Ces propositions sont d’ailleurs reprises dans la sphère politique : des députés ont demandé une interdiction de la reproduction des cétacés en captivité lors des élections européennes, en mai 2019, plusieurs listes de candidats ont proposé d’interdire la captivité des cétacés. One Voice, C’est Assez ! et Réseau-Cétacés, des associations de défense des animaux qui demandent, entre autres, l’interdiction de la détention des cétacés dans les delphinariums, ont récemment été entendues au ministère de l’écologie. Des mesures seraient attendues à la fin de l’été : la France pourrait alors rejoindre les pays ayant déjà légiféré pour limiter ou interdire la captivité des cétacés, comme le Chili, le Mexique, la Suisse ou l’Inde.
La voix de ces animaux sera-t-elle enfin entendue ?